26 déc. 2014

Préface de "Corsets and Crinolines"

Je trouve assez fascinante la préface écrite par N. Waugh dans Corsets and Crinolines. Je la traduis ici en français, pour que les non-anglophones puissent aussi en profiter.


« Un des aspects les plus intéressants de l’histoire du costume en Europe de l’ouest est l’évolution continuelle de la silhouette. Cette silhouette changeante n’est pas juste un caprice de la part du porteur.  Elle peut être reliée à des origines diverses. La plus importante est peut-être que les vêtements d’une période donnée appartiennent à un tout plus large, qui inclue les arrières plans économiques et architecturaux au sein desquels ils sont portés. Ils doivent aussi s’adapter à la texture et au design des matériaux produits à l’époque, et bien sûr,  il y a toujours  l’élément humain : la loi primitive de l’attraction sexuelle.
Les vêtements des hommes et des femmes ont reflété le changement de forme demandé par chaque nouvelle période. Parce que les hommes mènent une vie plus active, aucune exagération de forme ne s’est développée qui puisse limiter leurs mouvements. Le rembourrage a toujours été très utilisé, et dans les premiers temps cela servait un double objectif : exagérer un style, mais aussi protéger le corps. L’exagération des vêtements masculins a communément été limitée aux accessoires : des détails qui pouvaient être simplifiés ou retirés complètement dans les moments d’action. Les femmes par contre, pouvaient ignorer ces restrictions. Quand une forme devenait exagérée, elles pouvaient la pousser jusqu’à l’extrême, et s’engoncer sans hésiter dans des baleines, du jonc  ou du métal, pour parvenir à la silhouette désirée. Plus tard, pour s’adapter à un monde changeant, toujours sans hésiter, elles supprimeraient tous ces accessoires inutiles.
Cette emphase de la forme a donné un curieux rythme sous-jacent aux vêtements des femmes, devenant ainsi comme une loi tacite du design. Une longue et mince silhouette commence peu à peu à s’élargir à la base, puis l’emphase bascule de la longueur à la largeur, et quand la plus grande circonférence possible a été atteinte, il y a un écroulement, un repli, et un retour à la longue et mince silhouette. Durant les 400 dernières années, il y a eu trois cycles de cette sorte. Chaque fois, la jupe artificiellement élargie a dû être contrebalancée par une taille artificiellement fine. Chaque fois la silhouette était différente, et chaque fois les noms ont changé : d’abord le corps à baleine  (whalebone bodies) et le vertugadin (farthingale), ensuite le corps à baleines (stays) et les paniers (hooped petticoat), et enfin le corset et la crinoline.
[…] Il est impossible d’apprécier la conception des vêtements du passé, et impossible de les reproduire avec précision sans comprendre les formes qu’avaient leurs soutiens artificiels. Malheureusement, lorsque leur règne se termine ils deviennent des objets de ridicule et sont jetés. En tant que sous-vêtements, leurs représentations picturales sont rares, bien que, heureusement peut-être, quelques écrivains contemporains les aient dénoncés et moqués.

Il est intéressant de se demander si les conditions économiques actuelles et la vie très active menée par la femme moderne vont briser cette vieille loi du rythme. La crinoline s’est effondrée, le corset a perdu sa forme, jusqu’à ce que finalement la forme longiligne des années 20 soit atteinte. Depuis, très lentement, les tailles ont recommencé  à s’affiner et les jupes à s’élargir. Les baleines métalliques ont réapparu… et maintenant, que va-t-il se passer ? »


Norah Waugh 1954 « Corsets and Crinolines » - Preface

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